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Table-ronde « Impact de la révolution numérique sur l’évolution des sociétés » à Tianjin

En partenariat avec le CIAD (Chinese International Association for Urban and Rural Development), filiale du DRC (Developement Research Center du Conseil d’État), la table-ronde « Impact de la révolution numérique sur l’évolution des sociétés occidentales et chinoise, s’est tenue à Tianjin les 21 et 22 octobre 2015.

Pour la séance d’ouverture, M. Sun Xiaoyu, ancien Vice-Président de DRC, Président de la CIAD, a successivement donné la parole à M. Chen Zhu, Vice-Président de l’Assemblée Nationale Populaire, et à M. François d’Aubert, Ancien Ministre et Vice-Président de la Fondation Victor Segalen.

M. Chen Zhu a indiqué que l’Internet en Chine représente le moteur de la croissance et du développement social. Le numérique a un rôle positif, et participe au progrès de nos civilisations. C’est une révolution dans plusieurs domaines : économique, culturel, choix de société, et le domaine politique.

Aujourd’hui notre planète est devenue un village, par la connectivité permise par l’internet. Trois milliards d’individus sont reliés à Internet. La Chine est connectée depuis 1994, et comprend aujourd’hui 600 millions d’internautes, dont 500 millions sur les réseaux sociaux,. C’est un facteur d’amélioration de la qualité de vie, mais c’est aussi une épée à double tranchant : l’internet a besoin de gouvernance, et de législation.

En Chine, cela représente une évolution du pays vers une société de petite aisance. L’internet Plus, est un plan d’action visant à intégrer l’internet dans les industries traditionnelles. La Chine a définit les stratégies de mise en œuvre dans plusieurs domaines : le secteur agricole, la logistique, l’e-commerce, l’écologie. L’objectif est de stimuler la croissance, et d’améliorer les modes de production par les innovations technologiques.

L’Europe et la Chine sont des marchés importants, et les berceaux de nos civilisations. M. Chen Zhu considère que ce type d‘échange organisé par la Fondation Victor Segalen est exemplaire, nous devons continuer ce travail sur les aspects sociaux, culturels et législatifs.

La première session avait pour thème les nouveaux modèles d’entreprises. L’intervention de Thomas Graziani, co-fondateur de la startup Walkthechat, a été particulièrement remarquée, sur les aspects d’économie collaborative, et la mise en place de nouveaux modèles d’entreprises, avec emplois plus flexibles – et donc précaires-, la notion de e-réputation, et le renversement des valeurs d’entreprise traditionnelle : tout le monde devient entrepreneur.

Pour les modes de production et les modes de consommation, la parole a été donnée à des représentants de l’industrie Chinoise, et à M. Bernard Yvetot, Vice-Président Strategy International Business du Groupe Orange. La transformation des chaînes de production des biens industriels et de la logistique a été évoquée, ainsi que l’augmentation constante des l’achat en ligne, via le paiement électronique avec les technologies de type NFC. Les objets connectés et la nouvelle économie collaborative représentent un chiffre d’affaire de plus de 50 milliards d’euros, dans le monde.

Cette première session s’est terminée en abordant les problèmes de législation. L’insuffisance des règlementations en Chine, le problème de la sécurité de l’Internet, avec les deux approches complémentaires de la sécurité de l’infrastructure et la protection des données privées, demandent une régulation de la diffusion des informations, et une vraie législation sur la sécurité numérique.

On constate de part et d’autre un décalage entre le Droit, et le Fait. Il faut concilier le principe de liberté économique et de liberté publique, et la liberté de communication. L’internaute est consommateur, mais aussi de plus en plus fournisseur de données. C’est un défi social et éthique.

Le droit à l’oubli a également été évoqué dans les discussions qui ont suivi.

La deuxième session concernait le smart-aging et le vieillissement. La population mondiale comprend aujourd’hui 12% de seniors, et en Chine 138 millions d’individus sont concernés. La question posée par M. Laurent Degos, membre de l’Académie de Médecine, a été : comment préparer les services pour répondre à ces besoins ? Nous vivons une période de rupture radicale, qui nous oblige à repenser les stratégies de santé. Les soins centrés sur le patient vont évoluer vers une médecine qui collecte et gère des données. Mais le numérique reste virtuel, on est donc confronté à des problèmes de traçabilité, de confidentialité, et de liberté individuelle. La télé-médecine pose le problème d’égalité des accès : en Chine, la moitié des provinces ne sont pas, ou trop peu, équipées. De nombreuses applications pilotes ont vu le jour, souvent développées par des entreprises privées. Plus de 400 millions de dollars ont été investis dans ces applications. C’est un défi politique, social et éthique.

La troisième session a abordé l’e-éducation et la personnalisation des choix. En Chine, l’université ouverte propose l’enseignement à distance depuis de nombreuses années, et le passage au numérique a permis d’améliorer l’offre vers la formation des seniors. L’intervention de Jean-Michel Besnier, Professeur à l’Université Paris-Sorbonne, a porté sur l’idéal éducatif du maître et du cours magistral, centralisé, qui se voit remis en question en Europe. De nouvelles compétences sont demandées aux enseignants, et le numérique permet de mettre en place des méthodes actives, avec des notions telles que la classe inversée, ou les MOOCs pour l’enseignement universitaire. Les résultats peuvent être contestés, du fait des nombreux abandons d’élèves inscrits qui ne terminent pas le cursus. Mais ceux qui vont jusqu’au bout représentent néanmoins une population importante, délocalisée, diversifiée, et motivée. Le thème de la création culturelle et du partage des contenus a ensuite été évoqué, côté chinois par M. Chen Xin, Président de la CTV Golden Bridge International Media Corporation, avec les profondes modifications survenues depuis l’apparition de l’internet, la prépondérance de la création de contenus via les réseaux sociaux, moins contrôlée que dans les médias traditionnels comme la presse, la radio, le cinéma et la télévision. L’industrie a changé, et nécessite des réformes et des règles internationales.

L’exemple des agences de photographie, qui ont subi la révolution numérique à partir de 1994, montre les bouleversements qui ont eut lieu : la numérisation et l’indexation des contenus ont entraîné des changements de critères : uniformisation plutôt que valorisation, économie plutôt que qualité, profitabilité plutôt que excellence. La culture change de nature.